La crise sanitaire de ces deux dernières années a profondément impacté la Culture. Le secteur culturel a dû se réinventer. Face à la demande croissante d’accompagnement, IHECS Academy a créé (avec le soutien de l’ARES) le premier certificat en (auto-)management d’artistes, dans le but d’outiller les artistes et les managers d’aujourd’hui et de demain. Interview du coordinateur de cette formation, Jérôme Ramacker, qui est également auteur, conférencier, consultant et formateur en communication culturelle.
Plus d’un an et demi après le début de la crise du Covid, où en est le secteur de la culture? Quelles sont les séquelles? Quels sont les défis à venir pour ce secteur?
La crise du Covid a impacté différemment les opérateurs culturels subventionnés et privés, qu’ils soient des théâtres, des musées ou des festivals. Pour ceux qui ont survécu, il s’agit aujourd’hui de redonner confiance aux publics qui peinent à se déplacer à nouveau pour voir un spectacle ou une exposition. Pour les artistes, certains ont dû abandonner des projets prévus pour 2020 ou 2021 alors que cela faisait peut-être plusieurs années qu’ils travaillaient dessus. Il y a un réel embouteillage des propositions artistiques, entre les créations d’avant la crise, programmées puis reportées, et les nouvelles qui espèrent aussi rencontrer leurs publics.
Quelles ont été les initiatives mises sur pied pour enrayer cette crise? Sont-elles à l’origine du politique ou du secteur lui-même?
Le secteur a fait preuve de résilience et de résistance face à cette crise. On a vu de nombreuses initiatives d’artistes, de collectifs ou de lieux culturels pour aider la population à supporter le confinement. Accès aux œuvres en ligne, concert en live streaming, activités artistiques pour les enfants, etc. Les aides du politique ne sont arrivées qu’après. La résistance s’est organisée aussi face au mépris du gouvernement fédéral pour un secteur jugé non essentiel (alors qu’il assumait le lien social sur les réseaux sociaux). Still standing for culture, Culture Quarantaine, Bezet La Monnaie occupée, No Culture No Future, etc. sans oublier toutes les fédérations sectorielles qui se sont créées pendant la crise pour faire entendre leurs voix (UPACT, la FAP, FLIF, Guides et médiateurs culturels de Belgique asbl, etc.).
Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette crise pour la survie à long terme du secteur culturel?
Les leçons se tirent à plusieurs niveaux, que ce soit au niveau des contrats pour les artistes comme les programmateurs (en cas d’annulation), des nouveaux modes de diffusion notamment en ligne, des plans de communication (obsolètes en cas de crise), etc. Mais aussi de ce qui fait réellement sens pour les professionnels comme les publics. Être capable de réinventer ses pratiques sans pour autant remettre en question ses valeurs. La communication culturelle est devenue encore plus relationnelle.
Comment cela se passe-t-il actuellement pour un artiste qui veut tirer son épingle du jeu? Comment peut-il communiquer son projet artistique?
Pour attirer l’attention des médias ou des programmateurs, il s’agit de se démarquer, d’affirmer sa singularité. Il ne faut pas viser trop grand du premier coup. Se faire (re)connaître puis fidéliser un public peut prendre du temps. L’artiste doit comprendre que ses outils de communication prolongent son projet. Ils ne servent pas uniquement à de la promotion. Ils doivent être créatifs, ce qui paradoxalement n’est pas toujours le cas dans un secteur culturel plutôt enfermé dans ses vieilles habitudes. Cela commence à changer heureusement. Oser le marketing culturel, c’est chercher la cohérence entre la démarche artistique et communicationnelle. Et ça, le public le ressent.
Quelles sont les structures d’accompagnement existantes, et sont-elles suffisantes?
Il existe plusieurs structures en Belgique pour accompagner les porteurs de projets artistiques. Depuis que j’interviens comme formateur pour le secteur, je les ai vues évoluer dans leur forme (coopérative, plateforme, etc.) et leurs propositions (contenus des formations qui changent en fonction des besoins). Les fédérations professionnelles jouent aussi ce rôle en proposant des rencontres thématiques, des formations spécialisées, des ressources. Ces structures sont souvent liées à une discipline artistique (centrée sur les comédiens, les musiciens, les médiateurs culturels) ou morcèlent des modules par étape de projet (formation à la production de spectacle, webinaire sur la conception durable d’une exposition). Elles s’inscrivent dans la formation continue et l’insertion socioprofessionnelle. Difficile de dire si elles sont suffisantes, ce qui est certain c’est que la demande augmente chaque année. Plusieurs chargés de diffusion ou managers de label ont même suivi mes formations destinées aux artistes. Un signe de plus d’un manque cruel pour la profession.
Quelle formation pour les personnes qui veulent devenir managers d’artistes ou pour celles qui souhaitent s’auto-manager?
Comme le précise le SIEP sur son site dédié aux métiers, il n’existe pas (encore !) de formation pour devenir manager d’artistes. Cela s’apprend sur le terrain, avec parfois des notions juridiques ou de marketing comme seuls bagages. La passion guide l’expérience. Il est évidemment possible de se former sur certaines compétences en cours de parcours. En espérant ne pas avoir fait (trop) d’erreurs avant de s’en préoccuper. Ce n’est pas donné à tout le monde de gérer des personnalités sensibles dans un marché de plus en plus concurrentiel. Côté artistes émergents, les écoles supérieures artistiques ne forment pas à la communication. C’est donc la débrouille pour vivre de son art, avec des moyens limités alors qu’on leur demande très vite des vidéos, sites web et autres dossiers de qualité. De quoi être découragé malgré le talent.
Face à ce constat, IHECS Academy a mis sur pied un certificat en (auto-)management d’artistes, dont tu es le coordinateur. Quels sont les atouts de cette formation? D’où viennent les formateurs et comment ont-ils été sélectionnés?
Le premier atout est sa transversalité : la formation rassemble toutes les compétences utiles pour accompagner ou se lancer dans un projet artistique. Alors qu’elles sont généralement dispersées dans des catalogues à l’année, elles sont ici organisées dans un programme unique sur une durée restreinte: propriété intellectuelle, management, partenariats, stratégie de communication, financement, diffusion, etc. Le certificat veut donner à la fois des outils concrets et une connaissance des réalités sectorielles.
L’autre atout majeur est la composition de l’équipe pédagogique. Les réseaux de l’IHECS et d’IHECS Academy m’ont permis de contacter plusieurs formateurs qui ont tout de suite répondu favorablement à l’invitation. J’ai également sollicité des experts dans leur domaine, des professionnels issus du terrain, avec qui je suis ravi de collaborer sur ce projet. Il faut dire que, à chaque fois que j’expliquais l’intention de cette nouvelle formation, tout le monde était très vite convaincu de sa nécessité. Une confirmation du secteur lui-même en quelque sorte qui a renforcé mon engagement à la concrétiser.
A qui s’adresse ce certificat?
La formation s’adresse à tous les (futurs) professionnels des arts de la scène, arts plastiques et création littéraire. Une pluridisciplinarité voulue comme une réponse aux enjeux actuels. Elle intéressera à la fois les artistes émergents, les managers d’artistes en activité et les jeunes diplômés d’une filière culturelle.
Certificat en (auto-) management d’artistes, du 1er mars au 7 juillet 2022
Les inscriptions sont ouvertes dès maintenant et ce jusqu’au 6 février 2022.
Avec le soutien de l’ARES