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Le 30 mai 2024, les étudiants de l’Executive Master en Communication et Affaires Publiques Européennes (EPAC) d’IHECS Academy ont organisé une table ronde intitulée

“Mind the Gap : L’inégalité entre les hommes et les femmes en début de carrière”.

D’une part, l’événement visait à sensibiliser le public et les jeunes professionnels aux écarts de genre (en matière de salaire, de promotion et de conditions) qui persistent dans le monde du travail, en particulier en début de carrière.

D’autre part, il visait à identifier les facteurs qui maintiennent ces inégalités, en explorant à la fois les aspects structurels, économiques et culturels du problème afin de discuter des solutions à mettre en place, tant au niveau des politiques publiques que dans les entreprises.

Ensuite, il s’agissait d’encourager l’égalité des chances et de réduire les écarts de rémunération et de représentation entre les sexes.

Cet événement a permis également de réunir des expertes du domaine, quelle soit responsable politique ou militante engagée pour discuter des enjeux actuels liés à l’égalité des sexes dans le travail, de l’intersectionnalité dans les discriminations, des solutions à envisager pour réduire ce type d’écart, et des actions concrètes à mener pour que l’égalité devienne une réalité dans l’ensemble de la société. Cette rencontre s’inscrivait dans un contexte politique et social marqué par la lutte pour l’égalité des sexes, tant au niveau local à Bruxelles qu’au niveau européen, avec en toile de fond les élections européennes de 2024.

L’événement a été sponsorisé par l’agence de communication TIPIK et soutenu par l’IHECS.

Les intervenantes :

  • Lydia Mutyebele Ngoi, Echevine du Logement, du Patrimoine public et de l’Egalité des chances, Ville de Bruxelles,
  • Annelies Coessens, Gender, Diversity and Migration Officer, Council of European Municipalities and Regions (CEMR) Gender Policy,
  • Jéromine Andolfatto, Policy and Campaigns Officer, European Women’s Lobby.

Moderation: Louis Ratomahenina, étudiant de l’executive master

Rédaction : Anick Owolabi, étudiante de l’executive master European Public Affairs and Communication (EPAC)

Supervision : Laura Leprêtre Coordinatrice du programme EPAC

Contexte

Dans le cadre de leur cours sur l’organisation d’un événement, les étudiants de l’executive master ont été invités à organiser leur propre événement européen, prenant en charge tous les aspects de gestion : contenu, logistique, budget, sponsor….

Le choix du sujet fait partie de la première étape de l’organisation de leur événement. Les étudiants, eux-mêmes confrontés aux questions de genre dans leur sphère professionnelle se sont naturellement tournés vers le thème : “Mind the Gap”, en se focalisant sur les écarts de rémunération et de représentation entre les sexes, qui demeurent des problématiques majeures en Europe.

En effet, malgré les progrès réalisés en matière d’égalité des sexes, les statistiques récentes montrent que les femmes continuent de gagner en moyenne 13 % de moins que les hommes dans l’Union européenne, une réduction minime par rapport aux 16 % observés en 2016.

En outre, des disparités significatives subsistent dans les taux d’emploi, les perspectives de carrière, ainsi que dans l’accès aux postes de direction. Cet événement visait à sensibiliser le public à ces questions cruciales, tout en proposant des solutions concrètes pour y remédier.

Par ailleurs, l’événement s’est tenu à un moment stratégique, alors que la Ville de Bruxelles met en œuvre son Plan d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2023/2024. Ce document veut renforcer l’égalité des sexes dans tous les aspects de la vie quotidienne, y compris l’accès à l’emploi et à une rémunération équitable.

Résumé des échanges et principaux points abordés

  1. La persistance des écarts entre les sexes et l’intersectionnalité

Les discussions ont débuté avec un aperçu de la situation actuelle en matière d’égalité des sexes sur le marché du travail. Lydia Mutyebele a souligné que, malgré les progrès réalisés en Europe et à Bruxelles, des écarts subsistent, en particulier en matière de rémunération et d’accès aux postes à responsabilité. Elle a également évoqué les discriminations systémiques auxquelles les femmes sont confrontées, notamment en raison de l’intersectionnalité (sexe, couleur de peau, classe sociale, handicap, orientation sexuelle).

Elle a insisté sur le rôle des institutions locales dans la sensibilisation autour de l’égalité et la lutte contre les discriminations et stéréotypes.

Annelies Coessens souligne quant à elle, que ces écarts ne se limitent pas au seul aspect salarial, mais concernent également l’accès à l’emploi, la précarité de l’emploi des femmes et la sous-représentation des femmes dans les secteurs dominés par les hommes. Elle a cité des études montrant que seulement 20,6 % des femmes handicapées occupent un emploi à temps plein, contre 28,5 % des hommes handicapés. Elle rappelle que “la discrimination de genre est l’acte de donner des opportunités ou des droits inégaux à une personne ou à un groupe en fonction de leur genre. Les femmes et les filles de couleur, les femmes et les filles en situation de handicap, ainsi que les femmes issues de groupes défavorisés sont plus touchées par la discrimination de genre.”

Elle poursuit “La discrimination de genre peut se manifester de plusieurs manières, allant de l’aspect financier à l’accès aux opportunités. La discrimination intersectionnelle signifie que les femmes peuvent faire face à différentes formes de discrimination en fonction de leur classe sociale, de leur race et de leur identité sexuelle.”

  1. Le rôle de l’éducation et des politiques locales

L’éducation a été un autre sujet central des échanges. Mme Mutyebele a mis en avant les efforts de la Ville de Bruxelles pour promouvoir l’égalité des sexes dès l’école, à travers des projets visant à féminiser les programmes scolaires et à introduire une éducation à l’égalité des sexes. Ces initiatives visent à déconstruire les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge.

Pour l’échevine, l’éducation est centrale “Je trouve aussi que ce qui est très important, c’est l’éducation des garçons. Il faut les sensibiliser dès leur plus jeune âge, ce que l’on fait dans un grand réseau d’écoles, à l’égalité des genres, et aussi à accepter la différence. Nous travaillons aussi à féminiser les métiers qui semblent masculins. Nous avons lancé une foire des métiers et invitons les travailleuses à présenter leur métier dans des écoles”

Les échanges ont mis la lumière sur le rôle des politiques locales en matière de lutte contre l’inégalité des sexes. Bruxelles se distingue par son Plan d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est réévalué tous les deux ans. Ce plan inclut des mesures spécifiques, comme la féminisation des noms de rues pour rendre hommage à des femmes importantes dans l’histoire. Par exemple, des rues de Bruxelles portent désormais les noms de femmes comme Eunice Osayande ou Suzan Daniel, symboles de la lutte pour les droits des femmes et des minorités. Parmi les mesures, figurent aussi un plan d’action contre le harcèlement, avec le plan d’action “Rien sans mon consentement”, dont 57 mesures qui visent les lieux festifs et l’espace public et donner des armes aux témoins, pour sensibiliser les personnes qui peuvent être témoins de ces actes. Enfin, autre mesure par exemple : le projet Maya, qui forme les agents de police et du CPAS pour lutter contre les violences intra familiales qui ont explosé pendant le COVID.

Annelies Goessens poursuit les discussions sur ces thématiques avec une perspective européenne régionale de la question. Elle a souligné que les inégalités d’avancées sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes en Europe observées à l’échelle européenne entre les régions, les villes et les pays dépendent des politiques mais aussi des moyens pouvant être mobilisés pour répondre aux problématiques. Toutes les collectivités ne peuvent pas mettre les mêmes ressources sur la table, ce qui explique en grande partie les disparités européennes sur cette question.

  1. Les défis européens et la montée des politiques régressives.

Jéromine Andolfatto a réagi sur cette question en abordant la situation au niveau européen et notamment souligné les enjeux politiques. Elle a averti que la montée de l’extrême droite et des politiques conservatrices dans certains pays de l’UE constitue une menace pour l’égalité des sexes. Elle a souligné l’importance de l’engagement des institutions européennes pour veiller à ce que les États membres respectent les directives visant à promouvoir l’égalité des sexes et protéger les droits des femmes.

  1. Transparence salariale et quotas de représentation

La question de la transparence salariale a occupé une place importante dans les discussions. Annelies Coessens a présenté les directives européennes adoptées récemment, notamment la directive Equal Pay for Equal Work directive, qui impose aux entreprises de plus de 250 salariés de rendre publiques les informations sur les écarts de rémunération entre hommes et femmes. Cette mesure est cruciale pour rendre les inégalités visibles et encourager les entreprises à prendre des mesures correctives. Les intervenantes ont souligné le rôle crucial joué par les législateurs et le secteur public pour faire de l’égalité des sexes une priorité.

Pour Lydia Mutebele, l’Union européenne doit prendre des mesures fortes et mettre des sanctions aux pays qui ne respectent pas le cadre légal.

Pour Jéromine, toutes les directives européennes doivent être traduites en droit national, ce qui est essentiel pour que les femmes dans l’UE puissent prendre les rênes. “Votre pouvoir économique ne devrait pas dépendre de votre lieu de naissance au sein de l’UE. Il est crucial d’avoir ces directives en place, car l’expérience montre qu’une fois qu’une directive est instaurée, il est possible de la développer et de l’améliorer davantage”.

Concernant la transparence, un point intéressant soulevé par Jéromine dans le débat sur la directive concernant la transparence des salaires est qu’elle établit le principe d’égalité de rémunération pour un travail égal, ainsi que pour un travail de valeur égale. “Nous vivons dans une société où certains emplois sont mieux rémunérés, tandis que d’autres, comme ceux dans l’éducation et la santé, sont souvent mal payés. L’outil de comparaison proposé pourrait contribuer à un meilleur équilibre pour les emplois de valeur égale” souligne-t-elle.

  1. Le rôle des récentes directives européennes

L’une des questions des étudiants portait sur le rôle des récentes directives européennes sur l’évolution de l’égalité femmes-hommes dans l’emploi et la rémunération. En effet, les directives Work-Life Balance, entrée en application en 2019, ou la directive Gender balance on boards voté en 2022 qui demandera aux entreprises d’introduire des quotas dans les conseils d’administration dès 2026 représentent des avancés dans l’encadrement législatif de l’égalité femme-homme dans le monde du travail. Jéromine Andolfatto a néanmoins souligné que pour que ces directives se concrétisent il faut des efforts politiques des représentant.e.s publics, locaux, nationaux et européens.

Le recours aux quotas (de la directive Gender Balance on boards) a également été abordé comme un outil nécessaire pour assurer une représentation équitable des femmes dans les postes à responsabilité. “Il faut que les Etats membres aient des obligations, il ne s’agit pas seulement que de moyens, mais aussi d’objectifs, qui peuvent passer par des quotas” soutient Lydia Matebele.  Les intervenantes ont convenu que, bien que les quotas ne soient pas une solution unique, ils sont essentiels pour accélérer le processus vers une égalité réelle, notamment en politique.

Conclusions

L’événement a permis de mettre en lumière les principaux défis auxquels sont confrontées les femmes au début de leur carrière. Parmi les conclusions clés, on peut retenir :

  • Transparence salariale : La nécessité de rendre publics les écarts de rémunération pour encourager les entreprises à corriger les inégalités.
  • Politiques locales et éducation : L’importance de politiques locales proactives et de l’éducation à l’égalité dès le plus jeune âge pour lutter contre les stéréotypes de genre.
  • Intersectionnalité : La reconnaissance des discriminations multiples que certaines femmes subissent, notamment en raison de leur race, de leur handicap ou de leur orientation sexuelle.
  • Quotas et représentation : La nécessité de quotas pour garantir une meilleure représentation des femmes dans les postes de direction et les fonctions politiques.

Remerciements aux partenaires

Nous tenons à remercier nos partenaires principaux, TIPIK et l’IHECS, pour leur soutien essentiel dans l’organisation de cet événement.

TIPIK est une agence de communication basée à Bruxelles, spécialisée dans la création et la mise en œuvre de campagnes de communication intégrées pour les institutions publiques et privées. Leur expertise et leur collaboration ont été cruciales pour la réussite de cet événement.

L’IHECS (Institut des Hautes Études des Communications Sociales) est un établissement d’enseignement supérieur spécialisé dans les sciences sociales et la communication. L’IHECS offre des programmes qui allient théorie et pratique, formant des étudiants à devenir des professionnels compétents dans les domaines de la communication, du journalisme et des médias.

Leur soutien logistique et académique a permis de créer un cadre propice à la réflexion et à l’échange d’idées, tout en assurant une organisation fluide et professionnelle de l’événement. Nous leur adressons nos plus sincères remerciements pour leur contribution.